« Tu choisiras la vie pour que tu vives, toi et ta descendance » – comment cette invitation de Dieu après le don de la Loi (Dt 30.19) ne pourrait-elle pas raisonner face à la crise du vivant actuelle ?
Regarder le défi écologique en envisageant l’avenir, c’est choisir la vie. Choisir de préparer le chemin à celles et ceux qui suivent. Telles sont bien la hauteur et la gravité de l’enjeu, alors que nous sommes arrivés à un carrefour. Telle est aussi l’opportunité, car la « vie », dans la bouche de Dieu, c’est le souffle en abondance, la jouissance digne des biens de la création, la joie, la justice et la paix. La crise écologique est un danger, certes, mais c’est aussi une chance. Et si nous changions notre regard et, sans occulter le détail des dangers qui nous menacent, nous insistions sur le monde que nous pouvons construire et les bénéfices de l’action ?
Prenez l’exemple, trivial mais parlant, de la tomate. Choisir une tomate de saison, locale et bio, ce n’est pas seulement faire ce qui est juste, dans le souci de la terre et d’autrui. C’est, de surcroît, retrouver une tomate qui a du goût. Pas une de ces tomates aqueuses, qui ne sont que matière fade. C’est, de plus, une tomate saine. Pas une de ces tomates polluées, qui nous rendent malade sous prétexte de nous nourrir (au lieu de se dire « bon appétit », il faudrait se dire « bonne chance », aime à répéter Pierre Rabhi). Enfin, c’est une tomate qui nous rend le temps des cerises – comprenez : qui redonne leurs valeurs propres aux saisons. La manger au temps venu, c’est retrouver l’enthousiasme de la récolte.
Et ceci peut se dire et se décliner pour chaque partie du défi écologique. Baisser les émissions de gaz à effet de serre, assez et à temps, c’est aussi retrouver un air sain. Maintenir et restaurer les populations d’oiseaux de nos campagnes, c’est aussi connaître des printemps peuplés de leurs chants élégants. Bâtir un nouveau modèle agricole, familial et paysan, c’est aussi assurer un revenu digne et une fierté retrouvée pour les agriculteurs. On pourrait continuer la liste. Sans nier nos peurs ou manquer de lucidité face aux risques, gageons que la conversion écologique sera gourmande et joyeuse, où elle ne sera pas. Le désir est aussi père de soutenabilité.
Surtout, ne sous-estimons pas la portée de nos actes. Après tout, comme le disait quelqu’un : si le Titanic fut fabriqué par des experts, l’arche de Noé le fut par un amateur. Notre perspective sera donc celle de l’espérance. Notre foi est ancrée dans le matin de Pâques, promesse de la possibilité de l’impossible. Posons des actes de résistance et explorons les alternatives, comme le font les EUL qui sont labellisés Église verte. Reprenons le pouvoir sur nos assiettes, nos vêtements, nos déplacements… N’ayons pas peur de changer de banque, désinvestissons des secteurs écocides et investissons dans les solutions de demain ! Vivons simplement et trouvons notre joie dans les relations amicales, amoureuses, familiales… Collaborons avec les autres confessions, religions et la société civile laïque.
Pour le dire en termes bibliques, soyons sel et lumière. Inventons une habitation consciente, saine et avantageuse de la création. Je ne sais pas vous, mais je trouve que c’est un beau programme.
Martin Kopp est théologien écologique, chercheur associé à l’Université de Strasbourg. Il préside bénévolement la commission écologie – justice climatique de la Fédération protestante de France. Martin fut animateur aux EUL de 2002 à 2010.