Tout le village l’appelle le Prince. Il est le plus grand, il est le plus fort. Tout le monde parle du Prince dans le village. Les papas, les mamans, les enfants qui tirent leur luge.
Ce n’est pas un prince avec une couronne. C’est un Prince parce qu’il est le plus fort. Devant tout le monde, il montre sa force et rit très fort.
Mais quand le Prince est tout seul, il pleure. Il est triste parce que ses poings sont fermés. Il ne peut jamais ouvrir ses poings qui restent fermés comme des cailloux. Avec ses poings toujours fermés, le Prince ne peut pas donner la main, il ne peut pas faire de la peinture ni offrir un cadeau. Avec ses poings fermés, il tape, il frappe, il cogne sur les murs, sur les volets comme les grands coups de vent. Cette nuit-là, quelqu’un arrive en courant, tout essoufflé :
– Venez ! Venez, tous ! Venez vite ! Je vous annonce une bonne nouvelle ! Le Prince de la Paix vient d’arriver !
Cette nuit-là, le Prince lui aussi apprit la nouvelle :
– Comment, dit le Prince, le Prince ici, c’est Moi !
Et voilà qu’il se sauve avec ses poings fermés. Tout le village s’est levé, tout le village est sorti, tout le village se met en marche. Là-bas, une petite maison est allumée sous la neige. C’est une toute petite maison de rien du tout. Un petit enfant est là. Chut ! Un nouveau-né. Il dort. Il est si petit.
– C’est le Prince de la Paix !
Tout le village applaudit, rit et chante. « Noël, Noël bonne nouvelle »
En roulant ses grosses épaules, le Prince, lui aussi, arrive. Il tient ses deux poings fermés. Il s’en sert pour se faire un passage. Tout le monde s’écarte devant lui, il n’y a plus personne entre lui et l’enfant. Le Prince est encore plus grand, et l’enfant encore plus petit.
– Un prince, ce petit bout de bébé ! Allons donc, il est bien trop petit ! Un prince, c’est fort et grand. Ici, c’est moi qui suis le plus grand et le plus fort !
Mais en même temps, le Prince se rappelle ses poings fermés. Et il est tout triste à l’intérieur de lui.
L’enfant le voit, l’enfant lui sourit, l’enfant ouvre ses mains. Et voilà que d’un seul coup… les poings fermés du Prince se desserrent. Ils s’ouvrent comme des fleurs !
Voilà le prince, avec ses deux grandes mains ouvertes, deux mains toutes chaudes, toutes neuves, deux mains ouvertes pour donner la main, deux mains ouvertes pour partager les cadeaux, pour ouvrir la porte et les volets, pour peindre les couleurs…
Deux mains pour aimer.
Alors le Prince pleure parce qu’il est heureux et il se met à chanter :
– C’est vrai, c’est Toi le Prince. Toi, le petit enfant qui m’a rendu heureux.
Et il se met à danser avec ses mains toutes neuves, avec son cœur tout neuf !
Jean Debruynne